Les Dewoitine D.37X

Publié le par RL

MàJ le 7 décembre 2016

Curieusement, le Dewoitine D.37 fut étudié en même temps que le monoplan à aile basse D.500. Tout aussi surprenant, il donna naissance au dernier chasseur à aile parasol de l'armée de l'Air. Il se distinguait alors du MS-225 par son fuselage entièrement métallique, plus fin. En revanche, ses ailes étaient encore entoilées. C'était donc un appareil typique des années 30, intégrant quelques nouveautés, mais gardant encore certaines caractéristiques des biplans de la première guerre mondiale, comme le train d'atterrissgae fixe et le poste de pilotage à l'air libre.

Il est donc vrai que la silhouette générale de l'appareil, avec ses mats de cabanes et de soutainement pour l'aile, n'était pas novatrice et le plaçait comme ultime aboutissement d'un concept dépassé mais encore en vogue. En effet, une bonne visibilité vers le bas pour le pilote était exigée et l'aile parasol la permettait plus facilement que l'aile basse (qui fut doté de larges et pénalisantes échancrures sur le D.500 et ses dérivés).

Le Dewoitine D.371, l'enfant non désiré

Dérivé du D.37, son premier vol remonte sans doute au début de l'année 1934. Les essais eurent lieu à partir de mai 1934, mais les performances de l'avion se révélèrent inférieures à celles attendues. Néanmoins, en avril 1935, par une lettre de commande provisoire, l'État ordonna la production de ving-huit appareils. Celle-ci débuta en décembre 1935, la commande étant confirmée le 1° avril 1936. Néanmoins, la voilure dut être renforcée, suite à un accident du prototype. Les premières machines de série ne furent donc prises en compte qu'au début de 1937 !

A cette époque, le D.371 était démodé de part son apparence et rendu obsolète par ses performances très inférieures à celles de ce qui se faisait de mieux outre-Rhin (le Messerschmitt Bf 109) ; de plus son moteur Gnome Rhône 14Kfs était loin d'être un modèle de fiabilité. Qu'en faire ? Le D.500 et ses dérivés se révèlaient meilleurs appareils de chasse, il était donc hors de question d'utiliser le D.371 en métropole, d'autant qu'un autre appareil, aussi peu performant y sévissait déjà : le Loire 46. La chance voulut, qu'au même moment, l'armée de l'Air dusse se renforcer dans les colonies, où elle employait alors un matériel encore plus obsolète.

Certains des exemplaires non utilisés furent cédés au républicains espagnoles et participèrent à la guerre d'Espagne entre 1936 et 1938, aux côtés des D.372 initialement commandés par la Lituanie. L'appareil y fit bonne impression, contrairement aux quelques Loire 46 engagés.

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*"Aviation Légère de Défense" fut une façon vers 1936-1937 de nommer la chasse, par oppositon à l'aviation lourde de défense qui désignait le bombardement.

Une composition personnelle montrant un D.371 survolant la campagne française. Il est vu de dessus, depuis le poste de pilotage d'un Loire 46.

Une composition personnelle montrant un D.371 survolant la campagne française. Il est vu de dessus, depuis le poste de pilotage d'un Loire 46.

Des D.371 furent donc envoyés en Tunisie entre mai et septembre 1937, pour équiper le Groupe Aérien Régional d'Aviation Légère de Défense* 574. Ils seront toutefois stockés pendant 15 mois à cause... d'une interdiction de vol. À partir de 1938, douze d'entre eux équipèrent l'Escadrille Régionale de Chasse 574 (nouvelle appellation du GARLAD 574) basée à Tunis/El Aouina jusqu'en 1940. Ce seront les seuls appareils à entrer en service dans l'armée de l'Air !

Le choix de cet appareil n'était pas anodin. En effet, les aviations "coloniales" de l'époque étaient assez peu développées et l'ont craignait d'avantage une confrontation avec l'Allemagne nazie, donc en Europe, qu'avec l'Italie (pourtant mise à l'écart après sa campagne d'invasion de l'Éthiopie) ou en Asie (l'expansionnisme japonais est mal interprété). Ainsi, lorsque notre aviation métropolitaine fut modernisée, son matériel déclassé servit à la création ou à la modernisation d'escadrilles aux colonies. Ce jeu de transfert était rendu nécessaire par l'attitude de l'Italie fasciste et de son chef, se rapprochant de plus en plus de l'Allemagne après sa mise au ban en 1935-36. Mais les crédits et les cadences étaient insuffisant pour permettre la modernisation de l'avaition en métropole et aux colonies.

En ce sens, l'arrivée du D.371 en Tunisie était donc une bonne chose car cette portion du territoire était alors dépourvue d'aviation de chasse auparavant (l'aviation coloniale était alors majoritairement équipée de biplan biplace de bombardement et de reconnaissance Potez 25 TOE). Et bien qu'il fût obsolète, il restait valable face à ce que l'Italie, présente en Libye voisine, pouvait opposer : des Fiat CR.32 tout aussi déclassés. En AFN, quatre GARALD furent créés ; ceux d'Algérie (571 et 572) et du Maroc (573) ne furent équipés que d'antiques Nieuport-Delage NiD-622 et de Gourdou-Lesseur LGL-32 (mais ils reçurent ensuite des Dewoitine D. 510), appareils qu'était sensé remplacer le D.371 en métropole ! Le "vilain petit canard" représentait donc un véritable progrès pour la défense de ce secteur, même s'il se révélait incapable de rattraper les rapides trimoteurs Savoia S.79 entrant alors en service.

Dewoitine D.371 n°8 du GARALD 574 en 1937. La décoration est incomplète, car il manque l'insigne de la SPA 97

Dewoitine D.371 n°8 du GARALD 574 en 1937. La décoration est incomplète, car il manque l'insigne de la SPA 97

Le Dewoitine D.373 et D.376 un "meilleur" succès chez les marins

Le Dewoitie D.373 était une version navalisée du Dewoitine D.371, prévue pour opérer depuis le porte-avion Béarn. Il se distinguait de ce dernier par une crosse d'appontage, des ailes plus petites et un équipement pour assurer sa flottaison en cas d'amerrissage forcé (imposé pour tout appareil "marin"). Son armement était identique mais logé dans les ailes, comme le D.372, et non plus en dessous. Pour faciliter le stockage sous hangar, l'appareil fut ensuite équipé d'ailes repliables : ainsi naquit le D.376.

Produits à vingt-cinq exemplaires, les D.376 ont équipé l'escadrille de chasse AC1 et, en partie l'AC2 qui reçut aussi des D.373. Ces deux unités faisaient partie de la flotille F1C du porte-avion Béarn. Bien sûr ces appareils, lorsqu'ils entrèrent en service, n'étaient pas ce qui se faisait de mieux mais, à cette époque, les appareils embarqués étaient généralement moins performants que ceux basés à terre, qu'ils n'étaient pas sensés rencontrer. Mais si les D.373 et 376 étaient meilleurs que les Hawker Nimrod, ils restaient toutefois inférieurs aux Gloster Sea Galdiator, contemporiains mais d'une technologie pourtant moins moderne, entré en service sur les porte-avions britanniques, à partir de 1939 ; de même le chasseur embarqué américain Grumann F3F volait plus vite (versions 2 et 3). De plus, les Dewoitine se trouvaient surclassés par les Mitsubichi A5M1, de conception plus moderne ; ils n'eurent cependant pas à les affronter.

Lors de l'entrée en guerre de la France, le Béarn était jugé trop lent pour opérer en escadre et ses escadriles furent débarquées. La mission de la F1C fut de défendre les ports de Cherbourg, Calais-Dunkerque et Toulon. À Calais, quelques décollages sur alerte eurent lieu : ils montrèrent, s'il en était besoin, que l'appareil était obsolète comme chasseur et intercepteur. De plus, suite à deux accidents en vol, les Dewoitine furent interdits de vol, avant d'être autorisés à ne voler que pour l'entraînement. Leur remplacement s'imposait donc de façon urgente mais le candidat, le Grumann G-36A (version export du F4F-3 Wildcat), n'était pas encore prêt. À partir de janvier 1940, l'AC1 commença à se transformer sur du matériel plus moderne - Potez 631 - et l'AC2 suivit en février. Les appareils furent alors reversés au cours de chasse qui venait de voir le jour sur la BAN Saint-Raphaël.

Ainsi se terminait la carrière, peu glorieuse, du dernier chasseur à aile parasol entré en service dans les forces aériennes françaises.

Dewoitine D.376 n°31 du commandant de l'escadrille AC1 (cf le fannion rouge) à l'automne 1939, lorsqu'il était basé à Cherbourg/Querqueville.

Dewoitine D.376 n°31 du commandant de l'escadrille AC1 (cf le fannion rouge) à l'automne 1939, lorsqu'il était basé à Cherbourg/Querqueville.

Pourquoi un tel échec ?

En dehors de la Guerre d'Espagne, les appareils de la familles du D.37 ne connurent pas une carrière glorieuse. Il faut d'abord souligner que cet appareil fut développé en même temps qu'un appareil plus "moderne" mais aux performances similaires (avec un moteur moins puissant), le D.500. C'est ce dernier qui eut les faveurs de l'État-Major de l'Air, d'où le faible nombre de Dewoitine D.371 commandés. De plus, malgré ses atouts pour la visibilité vers le bas, la formule monoplan à aile parasol comportait peu d'espoir d'évolution, au contraire des monoplans à aile basse qui allaient rapidement s'imposés - son ultime évolution, l'aile mouette, ne déboucha pas plus, même si on la retrouve sur l'Arsenal-Delanne 10.

Lors de la guerre d'Espagne, les D.371 et D.372 furent engagés face à des appareils de conception similaire mais aux performances inférieures (Fiat CR.32 et He 51). Toutefois, à cause de l'embargo décrété par les démocraties occidentales, le nombre d'appareils livrés fut limité et rapidement ils furent remplacés par du matériel soviétique disponible en plus grand nombre et parfois plus moderne que ce qu'opposaient les nationalistes (SB-2 et I-16). Dans ces conditions, malgré leurs meilleures performances, la carrière des Dewoitine se devait dêtre courte.

Tableau des vitesses maximales et plafond de chasseurs contemporains, rapportées à la puissance de leur moteur :

AppareilsVitesse max. (km/h)Plafond (m)Puissance (ch)
D.37137010 000930
D.37338010 000930
D.50036911 000690
CR.323608 800608
He 51 B-13307 700760

(Les données proviennent du site Avifrance pour les appareils français et de Wikipedia pour le Fiat CR.32 et le Heinkel 51)

Ce qui précipita le déclin du D.371 est surtout ce qui se fit de l'autre côté du Rhin. En effet, le principal adversaire étant l'Allemagne, la France se devait de lui opposer des matériels équivalents, sinon supérieurs. Or, en 1937, le Messerschmitt Bf 109 B avait relégué au rang de "mulet" les D.510, plus rapides de 30 km/h que le D.371, qui entrait à peine en service ! De plus les bimoteurs allemands, comme le Heinkel He 111 B, avaient une vitesse de pointe proche de la sienne voire supérieure, ce qui rendait toute interception délicate (même si les bombardiers opèrent rarement à leur vitesse maximale). Enfin, à cette époque, arrivait un appareil singulièrement meilleur : le Morane Saulnier MS-406 ; l'heure était donc à assurer sa mise en service rapide plutôt que celle d'un nième appareil déclassé. Il n'y avait donc pas de place pour le D.371 dans le ciel d'Europe.

Le tableau suivant donne les vitesse maximale et plafond d'appareils en service en 1937 en France et en Allemagne :

AppareilVitesse max. (km/h)Plafond (m)
D.371370 à 4 500 m10 000
MS-405443 à ??
Bf 109 B-1470 à 4 000 m?
He 111 B-2344 à ?6 700
Do 17 E-1330 à 3 000 m5 500
He 70 F-2360 à 0 m5 300

(Les données proviennent du site Aviafrance pour les appareils français et de Wikipedia pour les appareils allemands, sauf le Bf 109 dont les données proviennent d'Historyofwar)

Épilogue :

Lorsque la France entra en guerre, les D.371, D.373 et D.376 étaient tout donc déjà obsolètes. Le Morane-Saulnier MS-406, le principal chasseur français en septembre 1939, leur mettait plus de 100 km/h dans la vue ! Mais quand on connaît les déboires qu'eurent les MS-406 pour rattrapper les appareils de reconnaissances allemands, on peut se demander qu'elle aurait été l'utilité du chasseur Dewoitine, encore utilisé par l'Aéronautique navale en Europe.

Comme il n'y avait aucun remplaçant en lice pour eux, début 1940, l'État-Major de la Marine finit par se rabattre sur des appareils dont l'armée de l'Air ne savait que faire : les élégants Potez P.631 puis les Bloch MB-151 (déclarés non bons de guerre par l'EMAA !). Les D.371 de l'ERC 574 furent, quant à eux, remplacés par des MS-406 en... mai 1940, lorsque l'escadrille devint la 2° du groupe de chasse GC III/5. On le voit, cet enfant non désiré ne fut remplacé que sur le tard, et pas par des modèles parmi les plus performants que la France comptaient. Cela parce qu'il équipait des "unités de seconde zone" et qui le restèrent.

 

Conclusion :

Les appareils de la familles du D.37 ont donc hérité de conditions peu favorables. D'abord une aérodynamique en bout de course et l'arrivée à une époque de bouleversement dans l'aérodnautique, où apparurent le postes de pilotage fermés, le train d'atterissages escamotables, les volets d'atterrissage etc., donnant aux avions de bien meilleures performances. Du fait des lenteurs dans la production, avant même d'entrer en service, ces appareils sont devenus des anachronismes volants, dans un ciel qui n'était déjà plus à eux.
 

 

Sources :

Ledet M., Le Dewoitine D.371 dans l'Armée de l'Air, Avions n°103 d'octobre 2001
Morareau L., L'aéronautique navale française de septembre 1939 à juin 1940, Avions HS n°1
Air tradition
Aviafrance
Wikipédia

Publié dans Aparté, Les machines

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