Aviation d'observation française

Publié le par RL

L'aviation d'observation française : une évolution difficile

Au sortir de la Grande Guerre, la France se retrouve avec une aviation divisée entre une Division Aérienne agissant de concert mais indépendemment des armées terrestres, et une aviation d'armée, principalement constituée d'escadrilles d'observation. L'entre-deux-guerres et la Drôle de Guerre seront marquées par une lutte incessante concernant cette aviation de coopération, que la naissance de l'armée de l'Air menace de faire disparaître, avant de chercher à la doter d'appareils qui pourraient être utilisés au profit d'opérations effectuées indépendemment des armées terrestres. De sorte que l'avaition de renseignement française sera bien mal lôtie à la déclaration de guerre, en septembre 1939.

L'aviation des Forces Aériennes de Coopérations

Les Forces Aériennes de Coopération regroupent toutes les unités rattachées aux forces terrestres. Elles comprennent les moyens rattachés aux armées, aux corps d'armées et divisions de la Cavalerie (DC puis DLC, DLM) ou cuirassées (DCr).

Dans la partie droite de cet organigramme de la ZOAN, on peut voir toutes les unités rattachées aux armées du GA 1. Pour des raisons de lisibilité, seule la VII° Armée a été développée.

À chaque armée sont rattachées un groupe de chasse (GC) à deux escadrilles et un groupe de reconnaissance (GR) à deux escadrilles, lui aussi. Ces groupes sont contrôlés par un organe appelé Forces Aériennes d'armée (FA).

Chaque corps d'armées se voit doter (rattachement) d'un groupe aérien d'observation (GAO) à une escadrille d'avion et, parfois, une section d'autogires (retirée en octobre 1939), et d'une compagnie d'aérostiers mettant en oeuvre un ballon d'observation. Ces organes sont controlés par les FACA. Les FADC(r) sont l'équivalent des FACA pour les divisions mécanisées (DCr, DLC et DLM) mais elle ne contrôle qu'un GAO.

Les missions de l'avaition d'observation de corps d'armée ou de divisions de cavalerie sont définies comme suit :

  • accompagnement au combat de l'infanterie et des chars ;
  • surveillance du champ de bataille ;
  • contrôle ou réglage de l'artillerie, surveillance d'une zone de tir, repérage d'objectif ;
  • reconnaissance du dispositif ennemi.

Dans la réalité, durant la campagne de mai-juin 1940, elles serviront principalement le commandement qui veut savoir où sont les troupes allemandes. Du moins, quand celui-ci se rappellera qu'elles peuvent lui servir à quelque-chose.

Les appareils des GAO en septembre 1939 :

À l'entrée en guerre de la France, l'observation est une branche de l'armée de l'AIr, parmi les plus mal lôties (avec le bombardement). Les appareils équipant les GAO sont des biplaces, parfois assez anciens et donc dépassés. Les plus modernes sont les ANF-Les Mureaux 11X (X=3, 7 ou 5).

La conception de ces appareils remontait au début des années 30 ! L'ANF 110, se présentait comme un monoplan à aile parasol monomoteur, de construction entièrement métallique. De ce fait, il n'apportait pas une grande nouveauté par rapport au Bre 270 et leurs performances n'étaient pas significativement meilleures. Initialement conçu pour la reconnaissance, il devait opérer aux côtés de Potez 390, contemporains mais moins performants en vitesse.

Les premiers exemplaires de série, essentiellement des ANF 113R2, furent commandés au titre du Plan I de juillet 1934. Mais déjà, ces appareils devaient être remplacés par ceux issus du programme BCR (comme les Potez 540). D'autres commandes portèrent sur une version à capacité en carburant accrue, l'ANF 117R2 puis R2B2, et une variante de ce dernier avec un radiateur frontal, l'ANF 115R2 puis R2B2 pour les derniers exemplaires. Les premières unités furent équipées dès janvier 1935.

Maquette d'un ANF 117. On note le volumineux radiateur sous le capot moteur, comme sur les appareils de la famille du D.500.

Les ANF 11X opérèrent au-dessus de l'Allemagne dès le mois de septembre. À partir du 6 octobre, ils se retrouvèrent seuls, les Bre 270 et P. 390 étant jugés trop vulnérables. Mais les ANF 115 souffrirent également face à la DCA et la chasse allemandes et on dut s'adapter. Comme toutes les missions ne pouvait bénéficier d'une escorte, on envoyait parfois deux appareils : un qui faisait la mission demandée, l'autre qui le couvrait (une disposition déjà prévue par le règlement provisoire de 1925 !). Mais rapidement, les Mureaux furent également interdits de séjour en territoire ennemi, puis de mission de guerre. Heureusement, à cette époque, un remplaçant arrivait.

Le remplacement des Mureaux :

Dès 1933, sous l'égide du ministre de l'Air, Pierre Cot, était lancé le programme BCR (Bombardement - Combat - Reconnaissance). Cet appareil "miracle", veritable bonne-à-tout-faire, devait doter les unités de coopération d'un appareil qui puisse, le cas échéant, servir dans une action plus indépendante de celle des armées terrestres, avec l'aviation réservée. Autrement dit, le BCR devait donner un avion qui satisfasse les besoins des terriens, tout en ne grévant pas trop le nombre de bombardiers de l'armée de l'Air.

On passait alors de biplaces petits et légers, à de gros multiplaces, défendus par trois mitrailleuses en tourelle. En théorie, ces appareils étaient capables de renseigner les formations terrestres, d'effectuer des missions de bombardements et, surtout, de se défendre tout seul face aux chasseurs ennemis. Malheureusement, les aéronefs ainsi obtenus (P. 540 et MB 131) furent décevants. En 1935, le programme battait de l'aile puis fut abandonné... mais les P. 540/ 542 et le MB 131 entrèrent bel et bien en service !

Une version améliorée des Mureaux, l'ANF 200, vola en mai 1936. C'était un triplace qui reprenait le dessin de l'ANF 115. Outre le troisème homme, la nouveauté consistait en un habitacle plus largement vitré. La vitesse maximale de 340 km/h était inférieure de 10 km/h à celle demandée par le programme T3, mais voisine de celle de l'ANF 115, mais c'est son caractère monomoteur qui joua sans doute en sa dévafeur. En tout cas, il ne fut pas sélectionné et on n'en profita pas pour modifier les ANF 115 en conséquence, ce qui lui aurait donné de meilleures performances.

En 1936, on redevint quelque peu raisonnable par rapport au BCR. Constatant que la formule biplace offrait une certaine vulnérabilité lorsque l'observateur était en plein travail (il ne pouvait alors surveiller le ciel), on décida qu'il fallait ajouter un troisème homme aux avions de renseignement et de doubler leur motorisation. Cela donna naissance aux programmes A3 (reconnaissance) et T3 (observation). La première fiche technique du programme T3 fut diffusée fin 1936. En mars en août 1938, le projet fut modifié : il n'avait pas encore abouti et n'aboutira pas. Pour pallier à cette carence, on commanda... 20 ANF 115 supplémentaires sur les 150 envisagés (pour ne pas ralentir la production de Potez 63 réalisée dans la même usine).

En 1939, comme les monomoteurs des GAO se révélaient incapables de remplir leurs missions sans une solide portection de chasse, ce que nous étions incapable de leur garantir, que leur remplaçant à pirori, le D. 720, était encore à l'essai, on décida de les remplacer par des Potez 63-11A3, avant qu'une version dédiée, le P. 63-16T3, n'entrent en service (ce qui n'arriva pas).

L'Artillerie veut son aviation :

L'artillerie française a, presque depuis le début, voulu contrôler l'avation. La Grande Guerre a créer un lien de nécessité avec elle, particulièrement pour l'artillerie lourde.

Lorsque la France acquiert ses premières autogires, en 1934, l'artillerie se montre d'emblée intéressée par ce nouvel appareil. Les expérimentations, de 1934 à 1935, convainquent les artilleurs et permettent de mettre en place les conditions d'utilisation, mais les commandes passées sont ridicuement faibles. L'artillerie n'aura de cesse de réclamer des appareils supplémentaires qui, pour elles, peuvent remplacer en partie l'avion et le ballon. Vers 1937, l'armée de l'Air se désintéresse clairement de l'autogire et arrête la formation de pilotes ; mais l'artillerie continue de réclamer à corps et a cri des appareils.

LeO C.30A de l'escadrille de surveillance 3S2 en 1939. Les appareils de l'armée de l'AIr était kaki et non gris-bleu et possédait une boîte de fusée sous le premier pylone du rotor. Le C.30A se distingue du C.30 par son moteur, prinicpalement.

En 1938, le GA Charles Condé, Inspecteur Général de l'Artillerie, présente un premier projet d'aviaition d'Observation d'Artillerie, dont le matériel et les hommes appartiendraient organiquement à l'armée de Terre. Ce projet est refusé au printemps 1939, mais il donnera naissance au concept "d'observatoires volants d'artillerie". Entre temps, en juin, différents apapreils sont testés au camp de Mailly, dont des biplaces Hanriot H.180 et H.182, MS 315 et un P. 585, en concurence de l'autogire LeO C.30. Il s'avère que ce dernier n'a plus la cote mais l'aquisition de petits avions ne se fera pas : le ministre de l'Air refuse.

En octobre 1939, l'armée de l'Air se sépare de ses autogires et les refourgue à l'artillerie. Un centre de formation, le CIOAA, est établi à Sommessous avec ces machines pour former les futurs pilotes. Toutefois, l'artillerie n'est plus satisfaite de l'appareil. À la lueur, des premiers engagement, le GCA Pierre Boris, Général Directeur de l'Artillerie, effectue une dernière demande, le 5 juin 1940, pour obtenir les petits avions légers nécessaires... en vain.

L'aviation d'observation française en mai-juin 1940 :

Lorsque l'attaque allemande s'engage le 10 mai 1940, la plupart des GAO a reçu ou reçoit un quota de Potez 63-11. Cet appareil équipant également la plupart des groupes de reconnaissance (GR), les missions des GAO et des GR seront les mêmes, quand les premiers opèreront. Les artilleurs se plaindront d'ailleurs du manque de missions d'avions qui leur sont attribuées. La chose est amplifiée par le repli des GAO des armées se battant en Belgique et au nord de la France entre le 15 et le 20 mai (même ceux de la I° Armée encerclée) !

Lors de la seconde offensive allemande, les GAO entreront de nouveau en action. En ce qui concerne les unités de la X° Armée (3 GAO), 10 missions seront effectuées le 5 juin 1940 : 9 reconnaissances (à vue ou photographique) et 1 réglage d'artillerie lourde ; 5 Potez seront perdus. Et un tel constat se retrouvera ailleurs sur le front. De ce rapide bilan, on constate que les leçons de mai 1940, si elles semblent tirées par le GCA Boris, ne le sont pas par tout le monde : on cherche d'avantage à savoir où est l'ennemi qu'à le combattre efficacement, comme si l'aviation d'observation ne pouvait pas servir aussi à celà. Mais il faut peut-être aussi voir cela dans l'inédéquation du Potez 63-11 avec ce rôle (il n'a pas été conçu comme avion de coopération).

On peut dire que l'aviation d'observation a été relativement absente de la campagne. Absente parce qu'elle n'a pu effectuer toutes les missions qui étaient les siennes, se limitant à de la reconnaissance et recherche de l'ennemi. Son matériel n'était pas forcément en cause puisque les allemands ont utilisé avec succès des Henschel 126, comparables aux ANF 115, mais ils avaient pour eux la supériorité de l'air, élément indispensable au travail de l'aviation d'observation.

Sources :

  • Archives : JMO de GAO (SHD/Air), Règlement provisoire de l'aéronautique de 1925 (Gallica), Documents sur "l'aviation d'artillerie" (les ailes de la Terre)
  • Breffort D, Jouineau A, L'aviation française de 1939 à 1942 Tome 1, Histoire & Collections, 2005
  • Facon P, L'histoire de l'Armée de l'air, une jeuneuse tumultueuse (1880 - 1945), éditions Larivière 2004
  • Marchand A, Le grand gaspillage des triplaces français d'observation, in Le Fana de l'Aviation n°353 d'avril 1999
  • Moulin J, Les autogires LeO C.30 & C.301, Lela Presse 2003
  • Aviafrance : ANF 115, ANF 200
  • France 1940 : ordre de bataille de l'armée de l'Air au 10 mai 1940

Publié dans Panorama

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