Glenn Martin 167

Publié le par Romain Lebourg

MàJ le 10/06/2022

Le Glenn Martin 167

Curieux destin que celui du Martin 167-F. On pourrait se demander, pourquoi parler d'un appareil de bombardement sur ce blog. Et bien, peut-être parce ce n'est pas l'utilisation qui était envisagée...

Un avion américain chez les français :

Une solution venue d'outre Atlantique :

Les personnes passionnés par l'aviation française le savent, devant se réarmer rapidement, notre pays n'a pas pu compter que sur son industrie. Suite à la crise de Munich, un French Air Commission (FAC) fut constituée aux États-Unis dans le but d'acheter du matériel aéronautique. Cette mission d'achat ramena plusieurs appareils, notamment des multimoteurs de bombardement modernes. Nous en avions alors cruellement besoin.

Parmi les matériels présentés par les constructeurs américains, figuraient le Glenn-Martin 167W. C'était un bombardier léger qui avait perdu la compétition organisée par l'US Army Air Corps, face au Douglas DB-7. L'appareil était cher, mais particulièrement intéressant par ses caractéristiques et les délais de livraison*, selon les mots de Henri Hoppenot qui dirigeait la FAC. L'armée de l'Air accepta donc cet appareil du bout des lèvres : il pouvait en effet faire un bon appareil de grande reconnaissance. 215 machines furent donc achetées avant la déclaration de la guerre, suivies par 130 autres en octobre 1939.  Si les commandes d'avant-guerre furent honorées, seuls trois appareils de plus auront pu être pris en compte.

De la reconnaissance au bombardement :

Dès le début la destination initiale des appareils fut remise en question. En effet, l'escadrille d'expérimentation était issue du groupe de... bombardement I/63. Toutefois, les premières unités à toucher des M.167-F furent les groupes de reconnaissance I/61 de Biskra (Algérie) et II/39 de Damas (Syrie). Mais il était également prévu d'équiper les groupes des 62e et 63e escadres de bombardement. Puis suite, au plan (utopique) de bombardement des puits de pétroles du Caucase, on décida que les Glenn Martin du GR II/39 iraient finalement au GB I/39... De fait, l'appareil fut principalement utilisé comme bombardier par l'aviation française.

Quelques missions de reconnaissance :

La seule unité de reconnaissance équipé du M. 167-F, le GR I/61, vit le combat en juin 1940. En effet, le 10 juin, l'Italie déclarait la guerre à la France. Le lendemain, un premier Martin s'envola de Youk-les-Bains (Algérie) pour effectuer une reconnaissance photo de Catane (Sicile). Outre ses sorties de reconnaissance, le groupe dut également participer à des bombardements.  Le GB I/32, lui aussi finalement équipé de M. 167-F faute de DB-7, effectua six missions de reconnaissance maritime depuis Médouina (Maroc). Et c'est tout ce que j'ai.... ou presque.

En effet, les appareils armant les escadrilles de l'aéronautique navale en AOF, de fin 1940 à fin 1942 furent employés à surveiller les colonies britanniques de Sierra Léone et de la Gambie. Ces missions n'étaient pas sans risques puisque trois appareils furent perdus lors de ses opérations ! De même, la France libre, réutilisera quelques M. 167 au sein du groupe de reconnaissance n°1, futur groupe "Bretagne", à partir de janvier 1942. Quelques missions photographique ou de reconnaissance armée pour appuyer la colonne du colonel Leclerc lors de la campagne du Fezzan furent effectuée, jusqu'au 14 mars 1942. D'autres missions de reconnaissance eurent lieu par la suite.

Les dernier M. 167-F utilisés au combat par l'armée de l'Air furent ceux opérant au-dessus des poches de l’Atlantique. Il débutèrent leur dernière campagne à partir d'août 1944 comme appareil de reconnaissance et de liaison. À partir d'octobre, il fut prévu de les utiliser comme bombardier et c'est dans ce rôle, qu'ils finirent leur carrière guerrière, de décembre 1944 à mi-avril 1945.

Bilan de l'appareil :

À l'usage, le bimoteur de Glenn Martin s'avéra rapide et maniable, deux qualités essentielles pour un appareil de reconnaissance. Malheureusement ses qualités ne le mettait pas à l’abri des interceptions. Or, comme nombre de ses contemporains, son armement était trop faible et il n'était pas équipé de réservoir auto-obturant, ni de blindage... Mais son seul véritable handicap pour la reconnaissance à vue était son nez vitré arrondi : le champ de vision de l'observateur étant déformé, l'observation était difficile.

Un M. 167-F du GB II/62. Cet appareil fut endommagé à Évreux lors de l'attaque de la base ; ironie du sort, il y était pour recevoir son blindage !

Un M. 167-F du GB II/62. Cet appareil fut endommagé à Évreux lors de l'attaque de la base ; ironie du sort, il y était pour recevoir son blindage !

Au service de sa majesté :

C'est au sein de la Royal Air Force que le Martin 167 allait être réellement utilisé comme avion de reconnaissance. Les Britanniques surnommèrent l'appareil Maryland et l'iutilisèrent principalement sur le front méditerranéen.

Merci aux Français !

Avec le désengagement de la France, les commandes passées aux avionneurs américains furent transférées aux Britanniques. Ces derniers firent changer la motorisation des appareils restant à livrer et en commandèrent 150 autres avec compresseur à deux étages.

Toutefois, les premiers à être utilisés furent des appareils... français. En effet cinq M. 167-F s'évadèrent d'Afrique du Nord les 30 juin et 1er juillet, vers Gibraltar. Deux autres rejoignirent l’Égypte. Un autre allait arriver sur le Rocher à la fin du mois, puis deux derniers en 1941.

Lutter contre l'Italie :

En juillet 1940, La Grande-Bretagne se retrouva seule face à l'Allemagne et l'Italie. Si des reconnaissances pouvaient être menées au-dessus des côtes de la première, ce n'était pas le cas pour une bonne partie de la seconde. Il apparut nécessaire de créer une unité dédiée, à Malte. Et c'est le Maryland qui fut choisi comme monture. Avec sa vitesse et son rayon d'action, il pouvait effectuer une bonne partie du travail en sécurité.

Les trois premiers appareils arrivèrent en août 1940. Avec trois équipages venus de Grande-Bretagne et trois autres Martin destinés à servir de réservoir de pièces de rechange, ils formèrent le No. 431 Long Range reconnaissance Flight. Le rôle des Maryland basés à Malte tenait davantage de la surveillance maritime que de la reconnaissance à proprement parler. Leur tâche était certes de surveiller la marine de guerre italienne mais aussi de repérer les navires italiens en Méditerranée. Le 10 novembre 1940, le Pilot Officer Adrian Warburton mena la reconnaissance photographique qui permis l'attaque de la flotte italienne dans le port de Tarente. C'est un autre Maryland, piloté le Flight Lieutenant Ernest Whiteley qui vérifia les résultats de l'attaque, le lendemain.

Le Martin Maryland AR707 du No. 69 Sqn, basé à Malte.

Le Martin Maryland AR707 du No. 69 Sqn, basé à Malte.

Le 10 janvier 1941, le No. 431 Flight devint le No. 69 Sqn ; il continuait de surveiller la flotte italienne dans ses ports. Il comptait sept appareil, en mars 1941. À partir du mois de mai 1941, les appareils furent chargés de détecter les départs de convois italiens à destination de l'Afrique. L'objectif était clair : supprimer le ravitaillement de Rommel pour supprimer la menace qu'il constituait. Leurs reconnaissances photographiques permirent l'attaque de nombreux convois. Mais à partir de la fin du mois de décembre, l'offensive aérienne de la Luftwaffe mit un terme à cette "époque bénie".

Au-dessus du désert libyen :

En Égypte également, la RAF ne disposait pas de moyens de reconnaissance. En décembre 1940, le No. 39 Sqn était arrivé en renfort depuis Aden. Cette unité de bombardement fut rééquipée en Maryland le mois suivant et devint une unité de reconnaissance. Les appareils furent chargés de photographier les ports et les aérodromes de Libye ainsi que des oasis importantes. Le but étaient de déceler des indices annonçant un changement de stratégie de l'ennemi.  Seule la DCA italienne s'opposait à leur sortie. L'unité intervint également au-dessus de la Crète et dans des missions de surveillance maritime.

Malgré la création d'une No. 2 PRU, en mars 1941, l'unité constitua une des seules unités de reconnaissance du secteur car les moyens étaient très limités. Elle continua d'utiliser des Maryland jusqu'en janvier 1942, bien qu'elle se rééquipait en Bristol Beaufort à partir d'août 1941. Elle fut ensuite remplacée par le No. 16 Sqn de la South African Air Force.

Retournés contre leur propriétaires :

L'absence d'appareil de reconnaissance se faisait également cruellement sentir à Gibraltar. En raison d'un accord passé avec les autorités espagnoles en novembre 1939, il se révélait difficile de baser des appareils sur le Rocher. Pourtant l'amirauté se sentait le besoin de surveiller la flotte française basée en Afrique du Nord. Une solution fut trouvée : utilisés des M. 167-F ayant atterri par le passé. En mai 1941, 2 appareils furent ainsi pris en compte par la 1 Photo Reconnaissance Unit. La première mission se déroula le 25 juin 1941 et, durant douze mois, les Glenn Martin du Rocher photographièrent la flotte française et une partie des côtes espagnoles (des fois que des sous-marins allemands aient choisi de s'y cacher).

Commandé initialement dans le but pallier au manque de bimoteurs modernes au sein de l'arsenal aérien français, le Martin 167 fut également utilisé par les britanniques. Au final, ce sont ces derniers qui l'utilisèrent dans le rôle que nous lui avions dévolu au départ. En ce qui nous concerne, nous en avons plutôt fait une utilisation telle que ces concepteurs l'avaient prévu : un bombardier moyen. L'appareil prouva ses bonnes qualités, mais force est de constater que les britanniques l'utilisèrent surtout sur un théâtre d'opération secondaire, où le matériel jugé impropre aux combats en Europe était envoyé.

Note :

* Cité par C-J Ehrengardt dans Le Glenn Martin 167-F première partie, in Aérojournal n°38, décembre 2013-janvier 2014 page 6

Sources :

  • Brookes A, Photo reconnaissance, Ian Allan Ltd,  1975
  • Cunibil R, L'épopée du Free French Flight n°1 dans la campagne d'Abyssinie, in Icare n°128, juillet 1999
  • Ehrengardt C-J, Le Glenn Martin 167-F première partie, in Aérojournal n°38, décembre 2013-janvier 2014
  • Ehrengardt C-J, Le Glenn Martin 167-F seconde partie, in Aérojournal n°39, février-mars 2014
  • page internet consacrée au No. 39 sqn sur History of war

Publié dans Bombardement, Panorama

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L
Bonjour<br /> Bravo pour votre article sur la French Air Commission<br /> Une question : qui est ce Henri Hoppenot que vous présentez comme le chef de la FAC ?<br /> Cordialement
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R
Bonjour,<br /> Merci pour ce compliment. Henry Hoppenot était un diplomate. Une biographie existe sur l'encyclopédie Wikipédia, mais elle ne fait pas mention de sa participation à la commission d'achat...