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De la France à l'URSS
Tout le monde connaît l'escadrille le groupe de chasse "Normandie". Ces premiers membres arrivèrent en Russie, le 28 novembre 1942.
Mais savez-vous qu'au moins 45 de ces pilotes étaient déjà opérationnels durant la campagne contre l'Allemagne de 1939-40 et celle contre l'Italie de juin 1940 ? Et tous n'étaient initialement pas pilotes de chasse1, voire même pilotes :
- Maurice Armanger était sous-lieutenant observateur au GAO 584 ;
- Léo Barbier était adjudant pilote au sein du GR I/52 ;
- Robert Castin était sergent pilote au GAO 544 ;
- Paul de Forges était sous-lieutenant pilote au GR I/33
- Albert Le Bras était sergent pilote au GAR 14 ;
- Jean de Pange était sous-lieutenant observateur au GAO 546 ;
- Roger Penverne était sergent pilote au GAO 589 ;
- Marcel Perrin était sergent pilote au sein de la 15e escadre de bombardement.
Dans cet article, je souhaite revenir sur Léo Barbier.
Un rampant devenu volant
Contrairement à beaucoup de ces camarades, Léo Barbier est un "vieux". Il est né en 1908 et c'est engagé dans l'aéronautique militaire, fin septembre 1927. Un an plus tard, il obtient son brevet supérieur de... mécanicien.
Il officie ainsi 3 ans et demi avant de pouvoir apprendre à piloter. Au deuxième trimestre 1932, il est admis dans le corps sous-officier de carrière, comme membre du personnel navigant de la base de Dugny (Le Bourget).
Il obtient en effet son brevet de pilote le 2 septembre 1932 et est orienté vers l'École pratique d'aviation d'Istres en décembre. À sa sortie, en mai 1933, il rejoint la 34e escadre d'observation, qui deviendra ensuite une unité de bombardement. Fin novembre 1938, alors adjudant pilote, Léo Barbier est affecté au Groupe de reconnaissance I/52. C'est avec cette unité qu'il va participer à la campagne contre l'Allemagne de 1939-40.
En guerre contre l'Allemagne
Au printemps 1939, le GR I/52 a commencé à se transformer sur l'élégant bimoteur Potez 637. C'est avec cet appareil qu'il part en guerre et effectue les premiers vols de guerre français.
Le 24 mars 1940, l'adjudant Léo Barbier part en mission au-dessus de Kaiserslautern. Son observateur est le lieutenant Élie Brugerolles et son mitrailleur, le sergent Hubert Dumas. Près de Zweibrücken, l'appareil est intercepté par quatre Messerschmitt Bf 109 de la 5./JG 522. L'observateur est tué durant le combat ; le pilote et le mitrailleur sont gravement blessés. Léo Barbier parvient cependant à poser en catastrophe son Potez à Ormersviller, au sud de Rohrbach-lès-Bitche ; les deux blessés sont récupérés par une patrouille. Hélas, Hubert Dumas décède le lendemain à l'hôpital complémentaire de Saint-Louis-lès-Bitche.
Ce combat valut à Léo Barbier une citation à l'ordre de l'armée aérienne avec attribution de la Croix de guerre avec palme :
"BARBIER (Léo) adjudant : sous-officier pilote de grande valeur, animé d'un bel esprit de devoir et de courage. Le 24 mars 1940, au cours d'un combat aérien contre des avions de chasse ennemis bien supérieurs en nombre, a réussi, quoique grièvement blessé, à se dégager et à poser son avion, moteur droit en flamme, à proximité des lignes françaises."3
Mais pour le pilote, la campagne est pratiquement terminée. À cause de ses blessures, il ne retrouve une unité opérationnelle, l'escadrille autonome de chasse de nuit 5/13, que le... 21 juin 1940.
Retours aux affaires :
L'EACN 5/13, basée à Marignanes, est dissoute le 10 août 1940. Cela fait suite à la réduction du nombre des unités aériennes imposée par les conventions d'armistice.
Léo Barbier est mis en congé d'armistice à partir du 1er septembre 1940. Il occupe divers emplois en Algérie puis en métropole, jusqu'en septembre 1942. C'est à ce moment, qu'il décide de rallier la France Libre en passant par l'Espagne. Il échappe aux prisons franquistes et, grâce à l'ambassade de Grande Bretagne à Madrid, peut rejoindre Londres, le 27 octobre 1942.
L'adjudant-chef Léo Barbier signe alors un engagement dans les Forces Aériennes Françaises Libres en novembre. Il se porte volontaire pour rejoindre le groupe de chasse n°3 "Normandie", sur le point d'être envoyé en Russie, depuis la Syrie. Il ne fera pas donc partie du tout premier contingent.
Pilote de chasse en URSS :
Le sous-lieutenant Léo Barbier arrive le 9 juin 1943 au GC 3. Il fait partie d'un groupe de neuf pilotes4, envoyés en renfort. Leur entraînement a lieu sur place, mais le groupe manque d'avions. Des Yakovlev 9 de renfort sont livrés en juillet, ce qui permet enfin de créer deux escadrilles ; Léo Barbier est affecté à la première.
L'unité va alors être engagée dans la bataille de Koursk5. Je ne sais pas si Léo Barbier fait partie des pilotes participant aux dures missions qui voient 6 pilotes être perdus (dont le commandant Pierre Tulasne) pour dix-neuf victoires homologuées. À partir du 21 juillet, le groupe est mis en semi-repos : les missions continuent mais à rythme bien plus faible, pendant un petit mois.
Le 18 août 1943, le GC 3 est engagé dans l'offensive d'Ielna6. C'est au cours de ces combats que Léo Barbier va faite parler de lui. Le 31, il revendique sa première victoire aux dépends d'un Junkers Ju 87, dans non loin de la ville. Il s'en octroie un nouveau, le 19 septembre, dans le même secteur7.
L'avance soviétique est rapide et le groupe va appuyer l'offensive dans le secteur d'Orcha8. Le 15 octobre 1943, Léo Barbier fait partie d'une patrouille qui intercepte des Junkers Ju 88, dans le secteur de Lenino, au nord de Gorki. Cependant, les Focke Wulf FW 190 de l'escorte interviennent. Si trois sont revendiqués, l'un d'eux parvient à abattre le Yak 9 de Léo Barbier. Le pilote français est éjecté et tué lors du crash de son appareil9 ; dans un premier temps, son corps est inhumé à Ivanoka.
Par décret du 18 février 1950 portant rectification de prise de rang à un décret d'attribution de la croix de chevalier de la Légion d'honneur "à titre posthume", le sous-lieutenant Léo barbier se voit décerner cette décoration avec prise de rang au 9 décembre 194310. Déjà titulaire de la Médaille militaire11, il a également reçu la médaille des Blessés et l'Ordre de la guerre pour le salut de la patrie (Орден Отечественной войны, Orden Otetchestvennoï voïny).
Notes :
1 Quatre d'entre eux étaient même moniteurs ou instructeurs.
2 5e escadrille de la 52e escadre de chasse ; le vainqueur serait l'Unteroffizier Leo Zaunbracher, bien que Peter Cornwell mentionne également l'Uffz. Albert Griener comme participant à l'attaque.
3 Ordre "C" n° 11 du 4 avril 1940, publié au Journal Officiel de la République Française du 18 avril 1940, page 2824, 2e colonne
4 Commandant Pierre Pouyade, capitaine Paul de Forges, lieutenants André Boubé, Léon Gérard et Jean de Tedesco, aspirants André Balcou, Jacques Mathis et Firmin Vermeil.
5 Dernière grande offensive allemande sur le front de l'Est, elle se déroula du 5 juillet au 23 août 1943. Cette bataille vit la plus grande confrontation de blindés de la guerre et marqua le début de la retraite de la Wehrmacht dans cette campagne.
6 Cette offensive eut lieu fin août, dans le cadre de la deuxième phase de la seconde bataille de Smolensk (7 août au 2 octobre 1943), qui se déroula du 21 août au 6 septembre ; l'offensive démarra le 28 août, forçant les Allemands à quitter la ville le 30 ; les troupes soviétiques atteignirent le Dniepr, le 3 septembre.
7 Henri Laffont mentionne quatre victoires dont une probable, mais je n'ai trouvé aucune preuve et il ne donne pas le détail.
8 Série d'offensives de la IVe Armée soviétique contre le groupe d'armée centre allemand, du 12 octobre au 19 novembre 1943. Elles ne réussirent pas à produire de percée.
9 D'après un témoin interrogé par le Bien publique.
10 Le décret du 11 mai 1949 portant attribution de la croix de chevalier de la Légion d'honneur "à titre posthume" ne mentionnait aucune date de prise de rang.
11 Je n'ai pas retrouvé le décret. Est-ce à la suite de son évasion de France ?
Sources :
- Journal Officiel de la République Française du 15 août 1932, 18 avril 1940, 13 mai 1949 et 22 février 1950
- Anonyme, Sainte-Apollinaire la Russie honore Léo Barbier, Le Bien Publique, éd numérique, 11 janvier 2013
- Cornwell Peter, The batlle of France then and now, éd After the battle, 2007
- Ehrengardt Christian-Jacques, Le Potez 637 - les yeux de Gamelin, Aérojournal n°2, février-mars 2008
- Ehrengardt Christian-Jacques, Normandie-Niemen, éd Heimdal, 1989
- Lafont Henri, Aviateurs de la liberté - Mémorial des Forces Aériennes Françaises Libres, éd Service Historique de l'Armée de l'Air, 2002
- Blog de Joseph Sprunck
- Encyclopédie en ligne Wikipedia
- Site Les français libres
- Site Mémoire des Hommes (voir liens dans l'article)
- Site Traditions des escadrilles de l'Armée de l'air