Un observateur normand
En ce moment, les dates font que je peux poster ou partager des articles sur des observateurs en avion normands. Hier, c'était sur le Cne Jacques Le Forestier de Vendoeuvre, devenu pilote dans l'armée de l'Air. Aujourd'hui, je vais évoquer le cas d'un autre jeune homme.
J'ai entendu parler du S/Lt Claude Levasseur, il y a presque 10 ans, alors que je participais à la rédaction d'un ouvrage sur l'histoire de la commune dans laquelle je résidais. J'ai rapidement voulu savoir comment il était tombé mais, à l'époque, les informations n'étaient pas encore disponibles sur Internet. Et longtemps, j'ai dû me contenter d'une fiche sur la chute de son avion.
Observateur en avion dans l'armée de l'Air :
Claude Marie Pierre Levasseur est né à Ismaïlia, en Égypte, le 10 novembre 1911 mais il dut vivre ensuite en Seine-Inférieure. En 1935, il tenta et réussit le concours d'entrée à l'École Centrale des Arts et Manufactures, plus connue sous l'appellation "Centrale Paris". Trois ans plus tard, comme onze autres de ses camarades d'école, il fut nommé Sous-lieutenant de réserve dans l'armée de l'Air avec prise de rang au 4 novembre 1938 (décret du 24 novembre 1938).
Le sous-lieutenant Claude Levasseur fut ensuite breveté observateur en avion et affecté au GAO 547, basé à Sedan. Ce groupe était équipé de Breguet 270, un appareil sesquiplan à la silhouette très particulière et complètement surclassé par ces rivaux, en 1939. Le groupe fut transformé sur Potez 63-11 durant l'hiver 1940 et il comptait six machines de ce type au 10 mai 1940, toutes disponibles. Le sous-lieutenant Claude Levasseur effectua plusieurs missions de guerre avec son groupe ; mais sans avoir consulté le journal de marche et d'opérations (s'il existe encore), il est difficile de savoir combien.
La mission fatidique du 14 mai 1940
Ce 14 mai 1940, le GAO 547 était rattaché au 41e Corps d'Armée de Forteresse, intégré à la IXe Armée du général André Corap, dont il formait le flanc sud. Depuis le 13 mai 1940, ses lignes étaient menacées par les 6. et 8. Panzerdivisionen. La première avait d'ailleurs réussi à franchir la Meuse à Monthermé, secteur tenu par la 102e Division d'Infanterie de Forteresse ; mais la division tenait encore bon. En revanche, dans le secteur du Xe CA (IIe Armée), les choses étaient plus préoccupantes puisque trois Panzerdivisionen avait traversé la Meuse, à Sedan.
Un premier Potez du groupe, envoyé dans la matinée au-dessus de Monthermé, n'était pas rentré. On était alors sans nouvelle de l'équipage dont le seul survivant avait été capturé avec de graves blessures. Mais en cette fin de journée, le secteur le plus préoccupant était celui de Sedan, où les contre-attaque françaises avaient échoué à refouler les trois Panzerdivisionen du XIX. Armeekorps et obligé le général Corap à déployer la 3e Brigade de Spahis autour de la Horgne et la 53e DI entre ses lignes et Charleville (cette division était initialement en réserve du 41e CAF). Un Potez fut donc envoyé reconnaître à basse altitude la vallée de la Bar et notamment le secteur de Vendresse, au sud de Charleville et de Sedan, en avant des lignes du 41e CAF.
Sur le chemin du retour, l'appareil fut intercepté par quatre Messerschmitt Bf 110 du I./ZG 52. Au cours du combat aérien qui s'en suit, ces derniers parvinrent à incendier le réservoir d'essence gauche du Potez, qui s'écrasa en flamme en forêt de Froidmont, près d'Écogne. Claude Levasseur et le sergent André Mougne, le mitrailleur, furent tués. Le capitaine Marcelin Marrast, gravement brûlé dut marcher 5 km avant d'être secouru ; il décéda le lendemain à l'hôpital de Laon.
Honneurs posthumes :
L'équipage du Potez 63-11 n°579 fut cité à l'ordre de l'Armée Aérienne et décoré de la Croix de Guerre avec palme à titre posthume dans l'ordre C n°51 du 10 juin 1940, publié au JORF du 27 août 1940.
"Jeune officier observateur d'une très haute valeur morale, toujours prêt à exécuter les missions les plus périlleuses. À exécuter avec succès plusieurs missions de reconnaissance à très basse altitude chez l'ennemi. Le 14 mai 1940, au cours d'une mission particulièrement importante, a trouvé une mort glorieuse dans un combat inégal, contre plusieurs avions de chasse adverse."
Comme son pilote, le sous-lieutenant Claude Levasseur fut également fait chevalier de la Légion d'Honneur à titre posthume (le mitrailleur fut décoré de la Médaille Militaire). Cette dignité lui fut accordée par un décret du 17 juillet 1942, publié au JORF du 25 juillet 1942.
Épilogue :
Le crash de ce Potez ne passa pas inaperçu. Le capitaine Marrast en confia d'abord les détails ainsi que les renseignements recueillis durant la mission avant que l'ambulance ne l'emmène. Un capitaine du 1er Régiment de Chasseurs à Cheval (1ère DLC) est également témoin et a l'occasion de reconnaître les corps des deux aviateurs tués ; malheureusement, je ne l'ai pas encore identifié.
En 1941, les débris de l'avion furent retrouvés par l'IPSA Germaine L'Herbier-Montagnon, dans un bois près de Fagnon. Ce village est situé, à 8 km au sud-ouest de Mézières. Les deux corps gisent dans une tombe anonyme, creusées près des débris. Les recherches de Mme L'Herbier-Montagnon permirent aux familles de retrouver le corps de leur disparu, et comme elle l'écrit, avoir une tombe où se recueillir.
Sources :
- Journal Officiel de la République Française des 15 août 1935, 24 novembre 1938, 27 août 1940 et 25 juillet 1942
- Mémoire des hommes (indisponible)
- France-crash 39-45
- Cornwel P, The battle of France then and now, After the Battle 2007
- L'Herbier-Montagnon G, À la recherche des disparus, in Icare n°127 1988