Occasion manquée

Publié le par Romain Lebourg

Une occasion manquée ?

L'offensive limitée en Sarre est parfois qualifiée ainsi. Des stratèges, peut-être pas toujours de salon, essaient de défendre l'idée que la France aurait dû attaquer, en septembre 1939. Je ne souhaite cependant pas discuter de cela ici. Non, je vais revenir sur le cœur de ce blog : la reconnaissance. Enfin surtout ce qu'on en fit !

Une reco' à la ramasse ?

En septembre 1939, la reconnaissance dut principalement repérer les courants sur les voies de communication et identifier les terrains occupés par l'ennemi. L'état-major cherchait principalement à connaître le renforcement du dispositif allemand, d'abord suite à l'offensive limitée en Sarre, puis après la victoire en Pologne.

Force est de constater, à la lectures des compte-rendus de missions, que ce travail était difficile. En journée, peu de choses étaient vues. Quand le mauvais temps et le froid régnant en altitude ne venaient pas perturber le travail, la chasse allemande y mettait son grain de sel... De nuit, projecteurs, DCA et brume prenaient le relai. Sans compter qu'on ne voyait pas toujours correctement à cause de reflets dans les vitrages ! Si la première mission de reconnaissance à l'aube tentée par le GR II/33, le 29 septembre, fut un succès, il resta isolé. Dès le lendemain, les défenseurs allemands furent sur le qui-vive et ils manquèrent d'abattre un des deux appareils !

Enfin, s'agissant des terrains d’aviation, la situation prête parfois à sourire. En effet, en comparant avec les informations connues actuellement, on se rend compte que beaucoup d'erreurs ont été commises. Des aérodromes ont été déclarés occupés alors que rien ne permet de l'attester actuellement. Parfois les occupants furent identifiés à tord comme des chasseurs (anciens modèles), alors qu'il s'agissait d'appareils d'observation. Les vraies bases de la chasse allemandes sont restées inconnues !

Bref, en matière de renseignement, la moisson n'a pas été toujours très fructueuse.

Qu'en a-t-on fait ?

Envoyer nos aviateurs risquer leur peau avec du matériel pas toujours à la pointe (n'est-ce pas le MB-131 ?!) était une chose. Ne rien faire avec les renseignements, même parcellaires, qu'ils ramenaient en fut une autre.

En effet, qu'a fait l'état-major des informations selon lesquelles l’ennemi disposait de X chasseurs sur tel aérodrome ou bien que la circulation en vallée du Rhin était intense ? La réponse est simple et tient en un seul mot de quatre lettres : RIEN !

Rien, car on s'attendrait, lorsque l'on cherche les chasseurs ennemis, qu'on essaie de les détruire au nid une fois qu'ils ont été logés. Évidemment, si on cherche des Messerschmitt Bf 109 et que l'observateur revient en disant qu'il n'a vu "que" des "Heinkel He 51 et 46", on peut comprendre cette attitude. Mais lorsque les renseignements disent que l'ennemi se renforce ? Eh bien on attend sagement qu'il nous agresse...

Cette attitude à de quoi inquiéter et pourrait faire sourire, si on ne savait la raclée que l'on prit en mai et juin 1940.

Était-il possible d'agir autrement ?

Il ne faut en réalité pas oublier, qu'en septembre 1939, et encore en mai 1940, notre force de bombardement était réduite à bien peu de choses. Nos bombardiers ne pouvaient majoritairement opérer que de nuit, avec toutes les difficultés que cela supposaient alors : peu d'équipage aptes, pas de vol de groupe, difficultés de navigation et de repérage de l'objectif... Mais il restait les Fairey Battle de L'Advanced Air Striking Force et les Bristol Blenheim du No. 2 Group du Bomber Command !

Certes, ces bombardiers légers se sont rapidement avérés vulnérables face à la chasse allemande. Mais, leurs équipages étaient formés et entraînés en vue de missions stratégiques... Toutefois, l'offensive alliée n'étant pas prévue avant 1941, bombarder les forces allemandes en septembre/octobre 1939 n'aurait pas forcément été productif. En effet, cela n'aurait pas prolongé la résistance de l'armée polonaise.

Cela aurait peut-être accéléré le déclenchement de l'offensive allemande contre nos forces. Difficile d'imaginer ce qu'aurait donné le choc entre les armées alliés non préparées (moins qu'au 10 mai 1940) et une armée allemande à peine remise de la campagne de Pologne.

Comme souvent avec les opérations de 1939-40, il est facile de déplorer, de dire que l'on aurait pu/dû faire ci ou ça. Mais il ne faut pas oublier que les actions nos décideurs étaient sous-tendues par des raisons bien précises. Et souvent, bien peu de stratèges de salon se penchent dessus.

Publié dans Panorama, Bombardement

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