Parmi les premiers
Parmi les premiers Français libres
Pour beaucoup de passionnés, les aviateurs de la France libre ont rejoint la Grande-Bretagne ou sa possession de Gibraltar. Ce n'est pas totalement faux, comme je l'expliquerai plus bas. Mais se faisant, on oublie souvent qu'une poignée de courageux avait décidé de poursuivre la lutte directement en Afrique du nord.
Le No. 1 French Bomber Flight
Le 30 juin 1940, les hommes de l'Escadrille de liaison de Damas, en Syrie, partaient avec avions et bagages vers l'Égypte. Mené par un officier de la Légion breveté observateur en avion, le personnel en sol se lançait dans une randonnée en camions de 5 jours.
Le lendemain, deux Glenn Martin 167-F du Groupe de reconnaissance I/61 s'évadaient de Youk-les-Bains, en Algérie, pour... l'Égypte. À leur bord se trouvaient 5 aviateurs désireux de poursuivre la lutte contre l'Allemagne et l'Italie. Parmi eux, un officier de Spahi, lui aussi breveté observateur en avion.
Regroupés à Héliopolis avec les autres aviateurs français réfugiés en Égypte, ces hommes furent incorporés au sein de la Royal Air Force, le 7 juillet 1940. Quatre jours plus tard, trois escadrilles voyaient le jour, dont une de bombardement armée par les deux Glenn Martin : le No. 1 French Bomber Flight. En plus des hommes du GR I/61, l'unité reçut du personnel de l'Escadrille de liaison de Damas.
En opérations :
Dès le 12 juillet, le No. 1 FBF fut envoyé à Aden pour participer à la lutte contre les Italiens en Afrique de l'Est et aider à rallier la colonie des Côtes françaises de Somalie (actuel Djibouti). L'escadrille était intégrée au No. 8 Squadron de bombardement, qui volait sur Bristol Blenheim Mk I.
Sur place, après avoir participé à la vaine tentative de rallier les CFS, les deux Glenn Martin enchaînèrent les missions de reconnaissance, de bombardement et de protection de convois. En effet, les Britanniques décidèrent rapidement d'évacuer leur colonie du Somaliland, attaquée par les Italiens durant l'été 1940.
Lors d'une telle mission, le 16 août 1940, un des deux M.167-F engagea le combat avec un Savoia S.79 du 44o Grupo. Touché, le trimoteur italien disparut dans un nuage ; il explosa en vol sur le trajet vers sa base. Bien de la BBC fît écho de cette victoire aérienne, elle ne fut jamais homologuée par la RAF. Il s'agissait pourtant du premier succès aérien d'aviateurs français libres !
Le 6 septembre 1940, 5 aviateurs de Djibouti rejoignirent Aden. Faute de possibilité d'emploi, un seul, qualifié comme opérateur radio, put rester avec le FBF ; les autres embarquèrent pour l'Égypte à la fin du mois.
Toutefois, un premier deuil vint frapper l'unité. Le 8 septembre 1940, un des deux M.167-F fut abattu au-dessus de l'Éthiopie par un chasseur Fiat CR.32 de la 410a Squadriglia. Un seul aviateur, le flying officer Pierre FEANAUX de MAISMONT, parvint à évacuer l'appareil et fut capturé.
Le second appareil continua d'opérer au-dessus de l'Afrique Orientale Italienne jusqu'au 16 décembre 1940. Ce jour-là, il fut intercepté par deux chasseurs de la 413a Squadriglia qui l'abattirent. De nouveau, il n'y eut qu'un seul survivant : le flight sergeant Robert CUNIBIL.
Un mois plus tard, jour pour jour, le personnel au sol était évacué vers l'Égypte. Seul restait le sergeant René BAUDEN en cours de formation comme mitrailleur. Avec deux autres aviateurs français, il allait formé un équipage, en avril 1941.
Et ensuite ?
Pierre FENAUX de MAISMONT et Robert CUNIBIL furent condamnés à mort, mais jamais exécutés. Ils furent libérés le 24 avril 1941 et reprirent le combat, cette fois au sein des forces aériennes françaises libres. En effet, les 3 French Flight formés étaient des unités de la RAF et non de la France libre... ce qui n'aurait pas laissé le général de GAULLE indifférent ! Mais, si son existence était tout juste connue lors de l’enrôlement des français dans la RAF middle East, ce n'était pas le cas des forces françaises libres.
In memoriam :
- Flight lieutenant Jacques DODELIER, observateur en avion et chef d'escadrille, MPF le 16/12/1940
- Commandant Pierre FENAUX de MAISMONT, observateur en avion, MPF le 18/10/1944
- Flight sergeant Émile LOBATO de FARIA, mitrailleur, MPF le 08/09/1940
- Sergeant Ronan MICHEL, opérateur radio, MPF le 16/12/1940
- Sergeant Joseph PORTALIS, mitrailleur, MPF le 08/09/1940
- Flight lieutenant Jean RITOUX-LACHAUD, observateur en avion, MPF le 08/09/1940
- Warrant Officer Maurice ROLLAND, pilote, MPF le 08/09/1940
- Warrant Officer Yves TRÉCAN, pilote, MPF le 16/12/1940
Sources :
- BAUDEN René, En Libye avec les Blenheim à l'assaut de l'Afrika Korps, Icare n° 128, 1989
- BAUDEN René, Damas, juin 1940. Dans la France libre parmi les premiers, Icare n° 166, 1998
- CUNIBIL Robert, L'épopée du Free French Flight n°1 dans la campagne d'Abyssinie, Icare n° 128, 1989
- EHRENGARDT Christian-Jacques, Le Glenn Martin 167-F 2e partie, Aérojournal n° 39, février-mars 2014
- GUYOT Marius, Djibouti, 1940. Cap sur Aden, Icare n° 166, 1998
- MORIEULT Yves, Les French flights, l'escadrille d'Aden, Aéro-journal n° 33, octobre-novembre 2003