ANF-Les Mureaux (partie 3)

Publié le par Romain Lebourg

Suite de la partie 2

Les ANF-Les Mureaux 11X

Les éphémères et autres projets sans suite

J'ai déjà abordé le cas de l'ANF 116 AB2. Si si, rappelez-vous : cet appareil, dérivé de l'ANF 113, n'a pas dépassé la planche à dessin. Nous avons aussi abordé le cas des ANF 111, qui préfigurait les ANF 112 et 113, et celui de l'ANF 114 Cn2, qui eut le tord d'apparaître un peu trop tôt.

Trois autres variantes eurent des destinés similaires. Bien que l'on sorte parfois du cadre de l'aviation de renseignement, j'aimerais les aborder. Elles illustrent bien une tentation d'utiliser une formule éprouvée pour l’accommoder à toutes sauces... avec les problèmes de négation de l'évolution de la technique qui vont avec.

Les ANF 118 et 119, des projets sans lendemains :

Au mileu des années 30, l'ANF 113 "Cn2" n°51 fut modifié en chasseur d'escorte biplace. Comment ? Mystère. Il est d'ailleurs possible que la désignation d'ANF 118 qui lui fut affectée, ne concerna que la firme ANF. Les essais en vol furent effectués en 1937. Ils confirmèrent que les performances de l'appareil ne permettaient pas d'en faire un escorteur. Et il fut donc remis aux standards d'origine.

L'autonomie de 900 km de l'ANF 113 était en effet intéressante pour accompagner les autres ANF au cours de leurs missions. Néanmoins, sa vitesse de pointe de 298 km/h à 4 000 m d'altitude limitait fortement son potentiel. On comptait sans doute qu'il défendît ses protégés grâce à une ou plusieurs mitrailleuses en tourelle, comme les Caudron R.IX à la fin de la Grande Guerre. En tout état de cause, cet appareil ne pouvait avoir un avenir radieux, les chasseurs contemporains, et surtout à venir, étant bien plus performants !

Cela est d'autant plus troublant que le chasseur biplace ANF 180 C2, très ressemblant à la série, avait lui même été un échec, en 1935 ! Or ses performances étaient, a priori, bien meilleures avec une vitesse maximale de 380 km/h à 5 000 m (mais une autonomie de 750 à 950 km, selon les sources).

Un autre ANF 113, le n°50, fut modifié. Baptisé ANF 119, l'appareil était voué à battre un record d'altitude avec une charge de 500 kg. Ses performances décevantes et le fait que son pilote étaient pris par les essais du chasseurs ANF 180 C2 remirent aux calendes grecques le projets. L'ANF 119 redevint finalement un banal ANF 113.

ANF-Les Mureaux (partie 3)

L'ANF 200, un ANF 115 sous abri :

L'édition de décembre 1935 du journal l'Aéronautique présente un nouvel appareil, dérivé de l'ANF 115 : l'ANF 200 A3. Selon le plan trois vue fourni par le journal, il s'agit ni plus ni moins d'un ANF 115 équipé d'une longue verrière pour loger les trois hommes. Et le journal de saluer cette nouvelle variante :

"ainsi s’affirme la ligne de conduite, également justifiée des points de vue industriel et technique, qui consiste à faire évoluer un type initial réussi vers des emplois nouveaux tout en conservant le plus grand nombre possible d’éléments communs."

L'appareil fut présenté au XVe salon de l'aéronautique, en novembre 1936. La presse spécialisée révèle alors que l'on attendait de l’appareil une vitesse de pointe de 340 km/h à 4 000 m et un rayon d'action de 1 500 km. L'appareil, de dimensions quasiment identiques (il est un peu plus long) à celles de l'ANF 115, auraient eut une masse maximale plus faible et un moteur-canon HS 12Ycrs de 860 ch (le même que le chassuer MS-406). J'ignore comment l'ajout du mitrailleur et le très léger allongement de l'appareil purent être compensés et même annulés sur le plan de la masse.

Il effectua son premier vol le 15 mai 1936 et aurait été présenté au CEMA le 8 juin suivant. Des essais sont encore signalés en janvier 1937. Ensuite, je perds sa trace, dans la presse de l'époque. Toutefois, l'appareil ne devait pas répondre au programme A3 car aucune commande ne fut signée. Il faut dire que les bimoteurs Potez 63 s'avéraient bien plus performants et les Bloch 174, plus prometteurs.

On peut en effet se demander comment un appareil de ce type aurait put être choisi. En dehors d'une plus grande sécurité apportée par l'ajout d'un mitrailleur et d'un meilleur confort (pas pour ce dernier !) grâce à la verrière fermée, cet appareil n'amenait rien de neuf. Ses performances restaient, au mieux, identiques à celles de ses grands frères. Les Ailes chantaient des louanges à André Brunet, le sympathique et éminent ingénieur en chef des ANF-les Mureaux, pour ces conceptions. Pourtant, il faut bien avouer qu'il n'avait pas suffisamment suivi l'élan de modernisation entrepris par l'aviation dans les années 30 et qu'il s'était fourvoyé à vouloir faire évoluer une formule à bout de souffle.

Dessin de l'ANF 200 A3 n°01, d'après une photographie et un croquis trois vues.

Dessin de l'ANF 200 A3 n°01, d'après une photographie et un croquis trois vues.

De meilleurs atouts outre-Manche

Cette débauche de déclinaisons me fait penser à un cas contemporain. Il s'agit de celui du Hawker Hart. Cet appareil biplace était initialement un bombardier léger. Il fut conçu à peu près la même époque que l'ANF 110. Sa construction était moins novatrice puisqu'elle faisait encore largement appel à une armature de métal recouverte de toile. En revanche, son aérodynamisme me parait beaucoup plus soigné !

Déjà, en 1925, lorsque le Fairey Fox était sorti, les britanniques disposaient d'un appareil de bombardement léger dont les performances égalaient celles de leurs chasseurs. Avec le Hawker Hart, un nouveau pas était franchi : en 1930, l'appareil se montra plus rapide que le Bristol Bulldog, le chasseur standard de la RAF ! Ainsi, dès cette année-là, une version de chasse biplace fut extrapolée du Hart. Le Hawker Demon entra en service en 1931 et resta en service jusqu'en 1938 dans les unités de première ligne (il fallut attendre 1939 pour que l'appareil soit déclaré obsolète !).

D'autres version furent tirées du Hart. Notamment un appareil de coopération avec l'armée de Terre, le Hawker Audax, qui entra en service en... 1932 ! En 1933, on en déclina une version "TOE", baptisée Hardy. En 1936, une version plus puissante, le Hector, remplaça l'Audax dans les unités de coopération. Par rapport aux ANF 115 et 117, le Hector bénéficiait d'un moteur moins performant (816 ch) et donc d'une vitesse maximale légèrement plus faible (301 km/h à 2 000 m). L'aérodynamisme était également moins bon que celui du Hart et la construction restait moins moderne que celle des ANF.

Comme on peut le constater, le Hawker Hart et ses descendants eurent un destin plus heureux que ceux de l'ANF 110. Pourtant aucun des appareils de la famille du Hart n'égala les performance des Mureaux. Oui mais voilà, seule quatre années s'écoulèrent entre la publication du programme et l'entrée en service des premiers exemplaires de série. Alors qu'il en fallut près du double côté français ! De plus les performances du Hart paraissaient vraiment exceptionnelles à son entrée en service. Celles des ANF 117 et 115, non.

Des Hawker Hart de l'Air Observer School se préparent pour un vol d'entraiement au maniement de la mitrailleuse arrière - photographie retouchée, base© IWM (H(AM) 223)

Des Hawker Hart de l'Air Observer School se préparent pour un vol d'entraiement au maniement de la mitrailleuse arrière - photographie retouchée, base© IWM (H(AM) 223)

Le Fairey Fox, bien qu'éclipser par le Hawker Hart, continua d'évoluer ; Il était en effet utilisé par la Belgique. En 1934, la version VIR, mue par le même moteur que l'ANF 117, atteignait les 360 km/h à 4 000 m ! Cette "prouesse" avait été obtenue en greffant un moteur plus puissant que celui des versions précédentes et permit à une version chasse d'exister (Fox VIC)*. Cela fut impossible avec les ANF 115 et 117, car ils utilisaient déjà la motorisation la plus puissant possible.

Pour toutes ces raisons, il fut difficile à la petite famille ANF de s'accroître, quand celle du Hart pu s'installer dans presque toutes les branches de l’aviation militaire britannique, ou que le Fairey Fox put prospérer dans la reconnaissance et la chasse Belge.

Finalement, c'est la lenteur de la mise au point d'une version acceptable, puis celle des fabrications et l'utilisation du moteur en V le plus puissant possible qui tua toute possibilité d'extrapoler la version de base. De plus, la technologie aéronautique progressant très vite à cette époque, les appareils créés par les concurrents se révélaient alors plus modernes, plus performants voire même plus prometteurs.

* La dernière version, le Fox VIII de chasse, bénéficiait d'amélioration aérodynamique au niveau du capot moteur et d'une hélice tripale.

Sources :

  • Anonyme, Avions Mureaux, in L'Avion novembre 1936
  • Anonyme, Nouvelles de l'aviation, in L'Intransigeant 6 janvier 1937
  • Collectif, Tableau de l'Aéronautique française, in L'Aéronautique décembre 1935
  • Cortet Pierre, La saga des biplaces "parasol" ANF les Mureaux (3e partie), in Avions n°57 décembre 1997
  • Crawford Alex, Hawker Hart familly, Orange series n°8107, Mushroom Model Publications 2008
  • De Bast Stéphane, L'aéronautique militaire, aérorama Belgique, in Aérojournal n°70 avril-mai 2019
  • Fleury Jean-Gérard, Le courrier des ailes, in Paris-Soir 7 janvier 1937
  • Fraché André, L'avion de chasse léger "Mureaux" 190C-1, in Les Ailes 26 novembre 1936
  • Wikipedia : article sur le Fairey Fox (en anglais)

Publié dans Les machines

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