Lynx du ciel

Publié le par Romain Lebourg

Les lynx du ciel  : la SAL 17.

La naissance du félin :

La 17e escadrille d’aviation voit le jour le 5 décembre 1914 et est équipé de Caudron G 3. Elle prend logiquement la désignation C 17. Pendant près de trois ans, elle utilise le matériel Caudron et garde son rôle d'escadrille de reconnaissance jusqu'en novembre 1916 : elle devient alors une escadrille de corps d'armée. C'est également cette année-là qu'elle adopte son premier insigne.

L'année suivante, apparaît l'insigne définitif : un léopard à tête de diable : cependant, le félin s'ornera rapidement d'une tête de lynx. En septembre, arrivent les Sopwith 1A2 : l'appellation change alors pour SOP 17. Puis, en mai 1918, ce sont les Salmson 2A2 qui entrent en ligne. L'escadrille adopte alors la désignation qu'on lui connaît : SAL 17.

L'escadrille termine le premier conflit mondiale avec deux citations à l'ordre de l'Armée et trois à l'ordre de la brigade ; son fanion est décoré de la fourragère aux couleurs de la Croix de guerre. Ses hommes ont remporté trois victoires homologuées, mais seules deux semblent lui avoir été comptabilisées. Elles déplore cependant 17 tués (dont 2 sur accidents) et autant de blessés (8 sur accident). La SAL 17 fait partie des unités qui ne sont pas dissoutes et intègre l'Armée du Rhin.

Un Sopwitw 1A2, vu à la ferté-Allais en mai 2015Un Sopwitw 1A2, vu à la ferté-Allais en mai 2015

Un Sopwitw 1A2, vu à la ferté-Allais en mai 2015

D'une guerre à l'autre :

Le chemin inverse :

L'escadrille SAL 17 devient, le 1er janvier 1920, la 6e escadrille du 5e Régiment d'observation. Cette unité est basé à Lyon - Bron, là où l'escadrille est née, un peu plus de 5 ans plus tôt ; néanmoins, comme la SPA BI 153, elle ne rejoint pas sont nouveau stationnement et, le 1er août, elles intègrent le 2e groupe du 33e Régiment Aérien d'Observation. Elle est alors équipé de Breguet XIV A2, puis de Breguet XIX A2.

Le 1er juillet 1930, les deux escadrilles désormais liées prennent leur indépendance et forment le Groupe de reconnaissance Bouy, basé sur l'aérodrome de la ville. C'est un changement radical de mission et presqu'un retour aux sources pour la SAL 17, qui en devient la 1re escadrille. L'unité devient même autonome en 1935 et est dévolue à la grande reconnaissance. Il se rééquipe péniblement en Potez 25 A2, puis en ANF-Les Mureaux 113, à partir de 1935.

Un pas vers le bombardement :

À partir du mois de mai 1936, le GR autonome Bouy reçoit des Amiot 143 ! Bien que descendant directement d'un concurrent malheureux du programme BCR, l'Amiot 143 est bombardier. Ce rééquipement ne doit donc pas caché le fait que, bien que dévolu à la reconnaissance pour le commandement de l'armée de l'Air, le groupe sera amener à épauler les forces de bombardement. L'entraînement comprend d'ailleurs les deux types de mission !

Cependant, à cette époque déjà, l'Amiot 143 est périmé et ne peut plus être raisonnablement envoyé de jour au-dessus du territoire ennemi... surtout pour des randonnées en solitaire ! Ainsi, en février 1937, les vénérables bimoteurs sont-ils remplacés par un autre descendant du programme BCR : le Bloch MB-131 RB4. Ce changement de matériel ne doit pas cacher la double fonction de l'unité. Un mois auparavant, il a changé de dénomination, pour devenir Groupe autonome de reconnaissance 14.

Insigne de la 1re escadrille du GAR 14. Il était porté sur la fourragère aux couleurs de la Croix de guerre.Insigne de la 1re escadrille du GAR 14. Il était porté sur la fourragère aux couleurs de la Croix de guerre.

Insigne de la 1re escadrille du GAR 14. Il était porté sur la fourragère aux couleurs de la Croix de guerre.

Retours aux premières amours :

Lorsque les unités aériennes sont mobilisées et envoyées sur leur terrain de campagne, le GAR 14 est affecté à la 3e Division Aérienne. Il emménage sur le terrain de Chaumont - Semoutier, les 27 et 28 août.

Oui mais voilà, on s'est rendu compte que le MB-131 a les pattes trop courtes pour la grande reconnaissance, (et pour le bombardement). Comme ses camarades, le GAR 14 permute donc avec un groupe équipé de Potez 637, jugés (à raison) plus adaptés même si moins polyvalent.

Finalement, le 31 août, le GAR 14 devient le groupe de reconnaissance de la IVe Armée. Il gagne donc le terrain de Martigny-les-Gerbonvaux. De nouveaux combats l'y attendent.

La campagne contre l'Allemagne de 1939-40 :

Des débuts difficiles :

Le groupe va logiquement participer aux premiers combats franco-allemands au-dessus de la Sarre. Le MB-131 montre rapidement toutes ses limites. Comme ses contemporains, il est sous-armé. Mais il est également trop lent et manque de maniabilité. Dès le 9 septembre, le groupe à le triste privilège de déplorer les deux premières pertes de ce modèle.

C'est la 1re escadrille qui "ouvre le bal". Son commandant, le capitaine Pierre Frébillot, ramène une passoire avec 2 mitrailleurs mortellement blessés. Les Lynx déplorent donc leurs 2 premiers tués, tandis que leurs camarades en ont 3. À la suite de ces deux missions tragiques, les MB-131 du groupe n'opéreront plus que de nuit et ce sont des groupes opérant sur Potez 637 qui devront fournir hommes et matériel pour les missions diurnes et former le personnel.

Le 18 février 1940, toujours en phase de rééquipement, le GAR 14 est détaché à la Ire Armée. Il déménage, le 26 février, sur le terrain de la Fère - Courbes. Il alors déplore la perte de 3 MB-131 et 2 P. 63-11 mais aussi de 5 tués et 1 blessé. Toutes ont eu lieu durant les deux premiers mois de la guerre.

Saynète illustrant le travail des unités de renseignemt durant les combats de mai-juin 1940Saynète illustrant le travail des unités de renseignemt durant les combats de mai-juin 1940
Saynète illustrant le travail des unités de renseignemt durant les combats de mai-juin 1940Saynète illustrant le travail des unités de renseignemt durant les combats de mai-juin 1940

Saynète illustrant le travail des unités de renseignemt durant les combats de mai-juin 1940

Mai 1940 de la Belgique à... l'Angleterre :

Le 1er mai 1940, le GAR 14 est devenu le GR I/14 et a dû céder quelques personnels au nouveau GR II/14.

Le 10 mai 1940, il est basé à Clastres - Montescourt et dispose de 8 Potez 63-11, soit environ 2/3 de son effectif théorique. Le groupe ne va en rien subir le Grosse Schlacht du 10 mai 1940. En revanche, les missions qui se succèdent vont l'amputer de 3 appareils, 1 tué, 2 prisonniers et 2 blessés.

Le 19 mai, le GR I/14 est replié en Seine-Maritime, à Bacqueville-en-Caux. Là, il est remplumé par des GAO plus ou moins à l'agonie. Il compte donc 14 appareils le 21 mai ! Mais ce total est amputé de 3 unités suite à un mitraillage du terrain, le lendemain ! Le groupe se replie encore plus au sud, dans le secteur de Caen. Toutefois, un détachement de 3 appareils est envoyé en Angleterre dès le 27 mai. Leur mission ? soutenir les défenseurs de la poche de Dunkerque - La Panne.

Pendant ce temps, le reste du groupe continue à se renforcer.

Juin 1940 ou le combat pour l'honneur :

La Ire Armée ayant cessé d'exister avec la chute de la poche de Dunkerque, le GR I/14 se retrouve sans affectation. Ses 17 ! Potez 63-11 ne vont pas rester inactifs longtemps : le 5 juin 1940, le groupe retrouve la IVe Armée. Il va donc terminer la guerre, comme il l'a commencée.

Même si la ligne Maginot est relativement épargnée par les combats, la bataille aérienne est toujours aussi dure. Et les effectifs fondent comme neige au Soleil : le 23 juin 1940, en 2,5 semaines d'opération, le GR I/14 aura perdu la moitié de ses appareils ! sans avoir perçu le moindre renfort... De plus, l'unité aura dû déménager fréquemment, changeant 6 fois de terrain dans le même laps de temps ! L'avancée rapide des troupes allemandes a aussi pour effet de tripler la profondeur de sa zone de recherche ! On imagine donc sans mal le danger et la fatigue accrus pour les équipages.

L'armistice "surprend" le GR I/14 sur l’aérodrome de Toulouse - Blagnac. Contrairement à d'autres, il n'a pas franchi la Méditerranée et reste en métropole par la suite.

Une reconstitution du tableau de bord du P. 63-11 et d'un navigant en tenue de vol au Musée du terrain d'aviation de Condé-VrauxUne reconstitution du tableau de bord du P. 63-11 et d'un navigant en tenue de vol au Musée du terrain d'aviation de Condé-Vraux

Une reconstitution du tableau de bord du P. 63-11 et d'un navigant en tenue de vol au Musée du terrain d'aviation de Condé-Vraux

Fin tragique et hibernation :

Dans l'aviation d'armistice :

Le GR I/14 fait partie des unités aériennes qui échappent à la dissolution. Avec son "groupe-frère" le GR II/14, c'est le seul représentant de l’aviation de renseignement en métropole. Grâce à ce stationnement, les Lynx échappent aux combats contre l'ancien allié britannique ou ceux, fratricides, contre les français libres (au levant). Les vols, comme dans le reste de l'aviation de l'État français, durent être peu nombreux.

Une dernière période de tension secoue le groupe avec le débarquement anglo-américain en Algérie et au Maroc, le 8 novembre 1942, puis l'invasion de la zone libre par l'armée allemande, trois jours plus tard. Les traditions de la SAL 17 s'éteignent avec la dissolution du groupe qui s'ensuit...

La renaissance :

Ce n'est qu'en 1966 qu'elles sont sorties de l'oubli pour être reprises par l'escadron d'hélicoptères 1/68 "Pyrénées", rebaptisé EH 01.067 "Pyrénées" depuis 1975 et toujours en activité.

Désormais les Lynx ne font plus de la reconnaissance, mais du sauvetage, notamment des aviateurs abattus en mission. Mais pas que...

Sources :

  • Page consacrée à l'escadrille sur le site d'Albin Denis ;
  • Page consacrée à l'EH 01.067 Pyrénées ;
  • Page consacrée à l'escadrille sur le site Traditions des escadrilles de l'armée de l'Air
  • Journal de Marche et d'opération (extraits) du GR I/14
  • Renseignements à tirer de la guerre des GR I/14 rédigé en août 1940 par le commandant Henry Lamey
  • Cornwell P, The battle of France then and now, éd. After the battle, 2007

Publié dans Unités

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