Ricognisione strategica
J'écrivais un article pour la commémoration virtuelle du Collectif France 40 centré sur l'exploit du 15 juin 1940 de Pierre Le Gloan. J'ai alors découvert l'existence d'une unité de reconnaissance stratégique italienne. Il faut donc revoir ce que j'ai écrit dans un précédent article... (et 3 liens dans le même paragraphe, je n'ai jamais fait aussi fort !)
La 172a Squadriglia da ricognisione strategica :
Cette escadrille a été créée le 1er juin 1940 ; mais elle ne fut réellement mise en place que le 13 juin 1940 ! C'est peut-être la raison pour laquelle elle m'avait échappé. Cette unité fut, dès le départ, rattachée à la 1a Squadra Aerea : c'était donc une unité qui a travaillé pour le compte de l'armée de l'air italienne et non son armée de terre ! Avec la déclaration de guerre de l'Italie à la France et à la Grande-Bretagne, les aviateurs de l'escadrille n'eurent pas le temps de chômer.
Équipée de bimoteur Fiat BR.20 M, elle était basée à Bresso, au nord de Milan. Une partie du matériel semble avoir été prêtée par la 15a Squadriglia da Bombardamente Terrestre du 4o Grupo (7o Stormo). Sur le papier, Fiat BR.20 M avait une vitesse de pointe comparable à ce qui se faisait ailleurs. Son armement défensif était relativement musclé, car constitué d'une mitrailleuse lourde à l'avant, d'un jumelage dorsale et une mitrailleuse ventrale à l'arrière. Cependant son plafond était trop limité... Mais son principal talon d’Achille était sa motorisation peu fiable et sujette à la surchauffe.
Les missions de reconnaissance stratégique :
Les premiers vols de reconnaissances stratégique italiens ont lieu le 11 juin 1940. Il furent effectuer dans les unités de bombardement. La plupart se montra sans histoire, sinon que la météo gêna considérablement le travail ! Une seule aurait été interceptée et entraîna la perte de l'appareil.
La première mission de la 172a Squadriglia semble avoir eu lieu le 15 juin 1940. Le Fiat BR.20 fut envoyé au-dessus des aérodromes de Cuers, du Cannet-des-Maures et de Hyères. Dépourvu d'escorte, voire d'armement1 (mais pourquoi embarquer un mitrailleur alors ?), il constitua la onzième victoire de l'adjudant Pierre Le Gloan du GC III/6.
Les missions reprirent le lendemain avec quatre sorties : trois à la 172a Squadriglia et une à la 15a Squadriglia. On sait que cette "quatrième" sortie bénéficia d'une escorte de Fiat CR.42 du 53o Stormo. En dépit du mauvais temps, l'activité se poursuivit avec pour seule opposition, la météo. Les missions étaient majoritairement menées par la 172a Squadriglia mais le 15o Grupo lui prêta parfois main forte. La dernière reconnaissance stratégique enregistrée aurait eu lieu au matin du 23 juin 1940.
L'action des unités de bombardement fut assez soutenue entre les 21 et 23 juin car la 1a Squadra Aerea avait reçu l'ordre d'appuyer l'offensive terrestre italienne. Pourtant, il ne semble pas y avoir eu "d'explosion" de l'activité pour la 172a Squadriglia. Cela montre que son utilisation devait être tournée vers l'évaluation des forces ennemies et non celle des résultats des bombardiers.
Quel bilan de la campagne contre la France ?
La campagne fut courte et les pertes en Fiat BR.20 lors de mission de Ricognisione Strategica faibles.
En dépit de la mauvaise formation des équipages italiens au pilotage sans visibilité et des mauvaises conditions atmosphériques, les pertes ont été plus que limitées puisqu'on n'en déplore qu'une, au sol !
Cette la mauvaise météo fut le seul véritable ennemi des Fiat BR.20. Mais si elle gêna le travail d'observation et de photographie aérienne, voire cloua des avions au sol, elle empêcha également les interceptions !
Un autre facteur limita les interceptions : le repli de l’aviation française devant l'avance allemande. S'il y a eu de plus en plus de groupes de chasse dans le sud de la France, ils étaient souvent à bout de potentiel. Dans les faits, seul le GC III/6, replié depuis le 31 mai 1940, intervint. Concernant l'Aéronautique navale tout reposait sur La seule escadrille AC3, qui n'intervint plus à partir du 16 juin !
Or, lors des deux seules interceptions réalisées par la chasse française, le BR.20 M solitaire fut abattu2... preuve que l'appareil, lorsqu'il volait seul, était vulnérable (mais l'appareil n'était pas moins rapide ou armé que ces "rivaux").
Du fait des conditions atmosphériques, les renseignements rapportés ont parfois dû être minces. Quoi qu'il en soit ce ne sont pas eux qui expliquent l'échec de l'offensive italienne.
Il est également difficile de savoir ce que les reconnaissances des ports d'attache de notre flotte ont apporté. Les navires français ayant attaqué les côtes italiennes le 14 juin ont vogué de nuit : il aurait été difficile de suivre leur progression et déterminer leur objectif.
Dans cette courte campagne la reconnaissance stratégique ne semble pas avoir eu d'impact significatif sur les opérations au sol.
Durant la courte campagne contre la France, la reconnaissance stratégique italienne a donc peu souffert. Elle a néanmoins profité de l'état déplorable de la chasse française et de son transfert vers l'Afrique du nord ainsi que, dans une moindre mesure, du mauvais temps. À l'aune des informations que j'ai, il me semble difficile d'établir un bilan. Je pense toutefois que la campagne a été beaucoup trop courte pour que cela soit possible.
Note :
1 d'après Yves Domange.
2 les deux appareils sont les suivants :
- le 12 juin 1940, un BR.20 M de la 14a Squadriglia (4o Grupo, 7o Stormo) aurait été intercepté par douze chasseurs français (non identifiés) et dut faire un atterrissage près de Bergamo, à cause des dégâts subis et du mauvais temps. L'appareil fut réformé, selon Yves Domange.
- le 15 juin 1940, le BR.20 M MM 21873 de la 172a Squadriglia fut abattu par l'Adj Pierre Le Gloan et s'écrasa près du Luc ou en mer, selon les sources.
Sources :
- Comas M, La campagne de France (4e partie) : les combats franco-italiens 10 juin-25 juin, Batailles Aériennes n°11, janvier-février-mars 2000
- Domange Y, Le Fiat BR.20, coll. Profils Avions n°7, éd. Lela Presse, 2004
- Morareau L, L'aéronautique navale française de septembre 1939 à juin 1940, Avions HS n°1, 1997